Son protocole de travail favorise tout autant l’accident que la prolifération : celle du geste et de la matière. A travers la prolifération elle convoque son corps face à la surface qu’elle vient frôler, caresser, effleurer, déchirer, parfois même maltraiter. Elle nous présente ses compositions aux tonalités brillantes et charnues, sans cadre ni protection, coulant du mur ou superposées au sol, tels des corps alanguis, des corps sans défense mais puissants. Avec « Désir », l’artiste réuni ses toiles en une installation organique et frontale qui relève du paysage, d’histoires, de l’intime et du collectif. Elle nous fait pénétrer dans un espace gigogne entre rage et poésie où viennent s’emboiter et se superposer ses territoires, ceux où se jouent son désir : la chambre, l’atelier, l’espace d’exposition. Juliette Cazalic instaure une perception multiple par le biais de procédés techniques et crée un constat d’inconstance. Elle propose une réflexion sur la nature même du désir, une représentation qui se construit dans la mobilité et en dehors d’une temporalité figée. L’installation consiste exactement en ce qui nous fait face quand nous désirons, à la fois ce qui est à l’intérieur et ce qui est en dehors, ce à quoi nous avons accès et ce à quoi nous n’avons pas encore accès. Ici le désir est pensé comme un substrat fait de multiples couches qui se dévoilent au fur et à mesure. Ces couches, qu’elle nous expose, conduisent des moments de mémoire. Juliette Cazalic vient tirer à la surface des bouts de passé pour les sonder, les redire puis les désirer à nouveau.  Elle vient nourrir la conscience de l’écart, celui qu’emplit l’imaginaire et que creuse le temps. Ce faisant elle engendre un territoire collectif du désir.

Brunella Danna-Allegrini
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